Auteur: 
Dessin :ER (Eugène Reichlen) / Poème: J. Clément (Jean Clément, élève de 6e littéraire - ingénieur en mathématiques et chimie)

Commentaires de Louis Dietrich: 

La guerre sur toute l’Europe s’est déchaînée depuis trois mois. L’armée suisse est mobilisée, elle garde nos frontières. Les Fêtes qui approchent sont teintées de gris parce qu'on pense aux absents, et l’on espère qu’ils rentreront pour Noël. Ce qui ne sera, hélas, pas le cas!  Saint Nicolas viendra quand même, après que les organisateurs sur terre ont longuement hésité à maintenir la Fête.

La carte et le poème rendent pleinement compte de la situation. Le soldat massif et calme monte la garde (le Régiment  fribourgeois est dans la région bâloise). L’âne au regard malicieux s’est couvert du drapeau suisse. Père Fouettard fait un peu le pitre, les avions sont menaçants. Mais... « Le Saint étendit trois doigts... » Le geste miraculeux permet tous les espoirs. Et le soldat peut rêver de paix.



Discours: 

Mes chers enfants,

Saint-Nicolas, malgré la guerre, est revenu vers vous. Ce n’était certes pas facile, de trop nombreux et dangereux avions sillonnent le ciel en ces temps troublés. Mais ma joie est d’autant plus grande de retrouver Fribourg, ma bonne ville et de revoir la tour puissante de ma cathédrale.

Car vous dirais-je, mes enfants, les visions douloureuses de mon voyage, là-bas dans les pays où je suis passé, j’ai vu les bouches noires des canons tirer dans un ciel rouge d’incendie. J’ai vu des baïonnettes enfoncées dans des poitrines humaines, des villes en ruines regorgeant de cadavres. J’ai entendu des enfants de votre âge appeler dans la nuit leurs mamans disparues. J’ai entendu les détonations des bombes et le silence effrayant de ceux qui ne répondent plus.

Vous habitez, mes chers enfants, un pays béni et protégé par Dieu. Vous vivez heureux dans le décor tranquille et calme de votre cité. Vous ne connaissez la guerre que par les soldats qui vous gardent, cachant sous leurs uniformes des peines et des souffrances qu’ils supportent vaillamment. Aussi je vous demanderai cette année, au nom du bon Dieu, d’être plus sages encore et d’aider de votre mieux tous ceux qui assurent à la Suisse la paix.

Pour moi je vais reprendre ma longue route vers le ciel, à travers mille dangers. Je dirai au bon Dieu les progrès que vous avez faits. Je le supplierai d’écarter de vous la guerre. Et j’espère vous retrouver tous un jour au ciel où vous pourrez goûter non seulement des biscômes plus doux et plus abondants, mais encore l’éclat et la magnificence de Dieu au nom de qui je vous bénis.

 

Saint-Nicolas 1939 : Jean-Pierre Marquart /