Auteur: 
DENIS PIVETEAU

Commentaires de Louis Dietrich: 

Les monuments les plus représentatifs de Fribourg sont rassemblés devant Saint Nicolas comme pour se blottir sous sa chape protectrice. Y compris l'ancien Pont suspendu, reproduit massivement au premier plan, bien que remplacé par le béton du Pont de Zaehringen depuis 1926.

Cette année-là, Pierre-Yves est Saint Nicolas. Passant devant l'évêché, il aperçoit Mgr Pierre Mamie à la fenêtre du premier étage. Du haut de son âne, il lui distribue force bénédictions. L'Évêque lui répond discrètement. Est-ce ce bref échange qui lui donna l'idée de se rendre les années suivantes sous le porche de la cathédrale, où, mitré et crossé, il accueille le collégien jouant avec sérieux son beau rôle d'un jour ? Mgr Genoud a repris ce geste devenu tradition à sa première Saint-Nicolas en l'an 2000. 



Discours: 

Bien chers enfants de Fribourg,

Voilà que, de nouveau, j’ai parcouru les rues de ma cité, entouré de votre lumière et de votre joie. Voilà que se répète aussi ce moment qui m’émeut, où je puis m’adresser à vous en m’adossant à la tour colossale de St-Nicolas. Ces gestes d’une tradition si ancienne, à une époque où l’on dit, où l’on veut que tout change, n’est-ce pas étonnant que Fribourg tienne à les garder ? On pourrait s’étonner aussi que chaque année, avant de revoir ma cathédrale, avant de monter sur ces hauteurs, je choisisse le Collège, moi, un saint du paradis, ce Collège qu’on dit contestataire, révolutionnaire, et où certains veulent même sentir comme une odeur de soufre sortant de laboratoires suspects ! Eh bien non ! jusqu’à présent, ma sainteté ne s’y est jamais sentie mal à l’aise. Cette jeunesse, c’est l’avenir de la cité. Elle en est consciente et je suis frappé de la gravité et de la hardiesse qu’elle met à se préparer. Bien sûr, des disputes peuvent éclater entre les jeunes exubérants, aimant rire, et les adultes plus sérieux. Cependant, est-ce que la susceptibilité des plus âgés n’est pas aussi une cause de ces querelles bien bégnines ?

Il ne faut pas s’y attarder, surtout quand je constate la reconnaissance qui lie les deux générations. Ce lien, je le ressens année après année, lorsque jeunes et moins jeunes m’accueillent au Collège. Leur réception se déroule dans une amitié profonde, « sympa » comme ils disent. J’ai eu cependant cette année un brin d’inquiétude à ce sujet : car, alors que j’approchais, en silence pour ménager un effet de surprise, mes oreilles, pourtant affaiblies, ont été assaillies par un vacarme épouvantable. Cette fois, me suis-je dit, la situation est vraiment grave. Eh bien non ! au contraire, c’était la fanfare qui répétait dans l’intention de donner plus d’éclat à mon cortège.

Comment ne pas être reconnaissant à tant de dévouement et de gentillesse qui me permettent de voir tous ces enfants, mes petits enfants de Fribourg ? Dans le cortège où rayonnaient les flambeaux et les visages réjouis de ceux qui les portaient, mon regard plus très sûr sêst promené d’un enfant à l’autre. Certains étaient juchés sur les épaules de leur papa. Ils étaient silencieux, mais tout joyeux. D’autres ont laissé éclater tout au long du cortège une joie exubérante, bien compréhensible pour un tel événement. Vous pouvez être persuadés, mes chers enfants que ces attentions touchent profondément mon âme vielle et sensible. D’autant plus que mon petit âne, plus doux et plus vaillant que jamais était très ému lui aussi. Je l’ai vu bouger la tête, sans cesse, de droite à gauche, en signe de contentement.

Car il aime les enfants sages, tout comme les Pères Fouettards, qui ne sont pas si méchants que l’on dit et qui savent aussi bien que moi-même remarquer les enfants sages. En venant à Fribourg, je suis toujours satisfait ; non que vous soyez parfait, mais je lis sur vos visages la volonté de devenir meilleurs, d’être agréables.

Je vous demande encore un effort sur ce point-là. Aidez vos parents tout au long de l’année, surtout quand ils sont fatigués. Ils s’efforcent le plus possible de vous donner une vie heureuse et sans obstacles. Donnez-leur le brin de gaîté qui leur manque parfois à cause de leur fatigue et de leurs soucis. Ces sourires illuminent souvent le regard de vos parents et leur font toujours plaisir.

Vous avez la vie devant vous, vus êtes heureux. Dans votre bonheur, ayez une pensée pour les enfants plus malheureux que vous ; ceux qui ne peuvent pas gambader comme vous ; ceux qui ont faim et qui, aujourd’hui, n’ont pas couru après les friandises comme de petits gourmands ; ceux qui ne cherchent qu’à se sauver devant les bombes et non devant les coups de verges des bien sympathiques Pères Fouettards.

Mes chers enfants, avant de rejoindre le Père des Cieux, je formule le vœu que toujours vous tâchiez de répandre le bonheur autour de vous. Mon âne, mon grand ami, les Pères Fouettards et moi-même, nous allons retourner au Collège. Là-bas, ces jeunes nous donneront, je l’espère, un au-revoir aussi chaleureux que leur accueil.

Je vous bénis !

 

Saint-Nicolas 1974 : Pierre-Yves Dietrich / 6ème.fr.A