Auteur: 
CASPAR ENGEL, élève "Option Arts Visuels"

Commentaires de Louis Dietrich: 

Cette année-là, le 3 décembre, la Saint-Nicolas fut célébrée avec un faste particulier. Les plus doués en arithmétique avaient compté que, ayant été réintroduite en ville de Fribourg en 1906 par un petit groupe de Collégiens de Saint-Michel, le cortège arrivait à sa centième édition. On annonça donc qu'il convenait de célébrer le centième cortège. Or, rien n'est moins sûr! En effet, en 1918, les classes et l'Internat furent fermés par ordre du gouvernement, en raison de l'effroyable épidémie de grippe espagnole, qui entraînait le plus souvent les malades dans la mort. Cette situation dura de juin  1918 à fin janvier 1919. On voit mal comment les Collégiens auraient pu dans ces conditions, organiser leur cortège. (Voir à ce sujet le commentaire de l' image de 1918). D'autre part, on connaît très mal la situation de 1906 à 1916. Bizarrement, aucun rapport rectoral de fin d'année ne fait mention de la Saint-Nicolas, considérée vraisemblablement comme un événement très secondaire par les gens sérieux. La lecture du journal local "La Liberté" nous apprend que les collégiens rééditèrent leur exploit en 1907. Mais ensuite, il  y a de nombreux trous dans le tissu de la tradition. Cette épineuse situation fut résolue habilement par une formulation indiscutable: au lieu de parler du centième cortège, on évoqua la centième  Saint-Nicolas depuis 1906. Avec "La centième", la polémique était classée.

Les festivités pouvaient donc être organisées. Elles débutèrent la veille, 2 décembre, par un concert donné dans l'église du Collège remplie jusqu'à la dernière place, comme pour la messe obligatoire du temps passé. Sous la direction générale d'André Ducret, le Choeur du Collège, fut entouré par la Fanfare, conduite par Pierre-Etienne Sagnol et par l'organiste titulaire, M. René Oberson, qui sait toujours tirer le meilleur parti de son sonore instrument si bien rénové. Ensemble, ils interprétèrent leur commune composition, sur des paroles de Josiane Haas. Des chants traditionnels émaillèrent le concert. Le succès fut total.

La fête se poursuivit le lendemain après-midi. Dans la magnifique aula du Collège, étaient invités tous les Anciens qui avaient tenu le rôle de Saint Nicolas. On en identifia environ 60, dont 45 ont répondu "présents". Le plus ancien, M. Henri Elgass, de Lausanne, qui a officié en 1933, était accompagné par  son suivant immédiat de 1934, M. Maurice Gobet, de Fribourg. Au nom d'eux tous, M. Ignace Ruffieux (Saint Nicolas en 1941) exprima à quel point  le rôle du Saint d'un jour marque la mémoire de celui qui a eu la chance de le vivre. Avec ces favorisés étaient venus aussi ceux qui  avaient occupé une fonction plus modeste: Père Fouettard, personnages costumés du cortège, membres des comités d'organisation. Il n'y manquait que les ânes, quelque peu oubliés ce jour-là. Tout ce monde se rendit naturellement sur la Place de la Cathédrale pour écouter, au miliieu de la foule, le discours prononcé  devant la grande rosace. Surprise supplémentaire: pour la première fois, et grâce aux possibilités nouvelles de la technique, une gigantesque image lumineuse de Saint Nicolas, projetée contre la Tour, augmentait l'aspect  magique de la  célébration.

Au lieu de rentrer directement au Collège, Saint Nicolas se rendit au Musée cantonal d'Art de d'Histoire, pour l'inauguration d'une magnifique exposition, qui resta ouverte au public jusqu'à la fin-janvier. Mme Verena Villiger, vice-directrice du Musée,  doit être félicitée pour avoir réuni un impressionnant ensemble de livres anciens, de sculptures fribourgeoises et européennes, de reliquaires et autres pièces d'orfèvrerie. Oserais-je  ajouter en toute modestie que cette collection des cartes de Saint-Nicolas figura intégralement aux cimaises, magnifiquement mise en valeur par les encadrements des professionnels du Musée; de nombreuses communications très flatteuses exprimèrent le plaisir du public à les regarder une à une.

La journée se termina par un  "festin-fondues" à la Halle des Fêtes de la Ville de Fribourg, où se retrouvèrent dans la joie environ 400 invités. .... Mais il nous faut maintenant parler des cartes!

 

 

La qualité des travaux soumis au jury a été telle qu'il fut décidé d'éditer trois cartes. Pour marquer l'événement de "La Centième", elles ont été rehaussées par des appliques à l'or chaud. Le commentaire ayant été fourni par les auteurs eux-mêmes dans "La Liberté", laissons-leur la parole. Carl Engel: "Je suis parti dans l'optique d'un dessin sérieux car le registre humoristique n'aurait pas été en adéquation avec l'esprit de la Saint-Nicolas. En tout, j'ai passé 80 heures sur ce dessin. J'ai essayé de l'investir de nombreux symboles. Ainsi Saint Nicolas a les traits de Mgr Genoud et porte le costume de Benoît XVI lors de son élection. Je l'ai placé dans une barque sur la Sarine car en sus dêtre le patron des Fribourgeois, il est le protecteur des marins."

La beauté exceptionnelle de ce dessin a été si bien reconnue que son auteur a reçu de nombreuses commandes venant de milieux très divers. La barque n'est pas seulement le symbole évoqué ci-dessus, mais elle navigue sur le parcours commerçant de la Sarine, par où, au moyen âge, Fribourg a fourni à l'Europe entière les produits de son industrie, notamment ses draps et ses cuirs. Ce qui rendit la cité des Zaehringen très prospère.

 

 

 



Discours: 

Enfin je vous revois, mes enfants bien aimés

Bonsoir fribourg !

Ce soir, je me présente devant vous pour la centième fois et ce n’est pas sans peine qu’avec un siècle de plus, j’ai pu me hisser sur ce balcon. En fait, je n’ai pas toujours parlé depuis ici : au début, je prononçais mon discours au Tilleul près de l’hôtel de ville, sans même descendre de mo âne. Mais le brave animal se faisant vieux, tout comme moi, il a fallut le soulager de mon poids. Je suis alors monté à la fenêtre de la Grenette. C’est seulement bien des années plus tard que l’on m’offrit cette cathédrale, ma cathédrale.

A l’époque, devenir célèbre prenait du temps. Aujourd’hui, il suffit de se présenter rien qu’un soir à la Star Academy. Mais les politiciens et les vedettes du show biz passent. Saint-Nicolas demeure. Tout comme ma cathédrale, que je vous prie de protéger. Chaque année mon âne me demande quand ce fameux pont de la Poya va enfin être construit pour éviter que cette tour ne devienne encore plus noire. Nos dirigeants seraient-ils plus ânes que mon âne ? Quant à ma crosse, elle reste toujours OK après toutes ces années, contrairement à celles de votre équipe favorite qui es parfois KO. Mais vous, vous ne voulez pas renvoyer Saint-Nicolas, le patron de la ville, au vestiaire, n’est-ce pas ?

Meine lieben Kinder, ich liebe euch über alles ! Seit hundert jahren dar fich euch dies einmal pro Jahr sagen ! Vom Himmel oben sorge ich mich aber immer um die Welt, in der ihr aufwachsen werdet. In letzter Zeit habe ich nämlich bemerkt, wie sehr ihr von zartester Kindheit an jeder Mode nachgeht, und wie sehr ihr euch von der Werbung beeinflussen lässt !

C’est fou comme la publicité peut vous imposer un mode de vie ! Vous portez des marques connues sans le monde entier et vous vous soumettez à leur dictature. Et mon look, il vous plaît ? Serais-je plus branché et m’aimeriez-vous davantage si je portais un T-shirt « Brice » ( les pères-fouettards font le geste « cassé ») ou si je m’appelais «saint-Nicocacolas » ? mais non, je prote le même habit depuis toujours car l’important, c’est ce qu’il y a à l’intérieur de nous : nos pensées, notre imaginaire. En un mot : l’âme. Soyez vous-mêmes et restez libres de créer votre propre vie ! Vice la liberté par-dessus le marché !

Je vois aussi trop d’enfants issus de familles éclatées. Cela m’oblige à visiter bien plus de maisons qu’auparavant. L’amour qui brille dans les foyers n’est-il pas trop souvent qu’un feu de paille ? Certains d’entre vous croient se sentir plus grands en ayant à la bouche cigarette, bouteille, canette ou canne à bise. Leur cercueil ne sera pas plus grand pour autant : il les accueillera simplement plus rapidement. Vive la liberté de vivre, par delà les dépendances !

Peu importe que vous soyez beaux, grands, blonds aux yeux bleus, comme le voulait un petit moustachu que nous avons tant combattu, là haut. Il a tenté d’imposer à toute l’humanité un même uniforme, et nous avons risqué de devenir des zombies, des « bons-à-rien ». Mais vous êtes heureusement tous différents et c’est ce qui fait de vous des êtres uniques aux yeux de Dieu, notre Père.

Heute Abend ist ganz Freiburg in einer einzigen Gemeinschaft versammelt, Herkunft und Kultur spielen hier und jetzt keine Rolle mehr ! Genau so, in diesem Geist der Brüderlichkeit, möchte ich euch immer, jeden Tag, sehen! Habt Freude aneinander, wie ich auch Freude an euch habe !

Capitalisme et mondialisation ! Voilà ce qui domine le monde. Le Royaume des cieux est fondé sur l’amour et le bien qui s’opposent au mal. Sur cette Terre en dérive, la seule référence, c’est donc devenu le pétrole. Il brûle, certes, mais d’un tout autre feu que de l’amour. Faites donc fonctionner vos voiture à l’eau plutôt qu’à la benzine. Prenez exemple sur mon âne qui, lui, ne rejette que des gaz naturels!

Au cours de ces cent dernières années, j’ai dû rajouter un mot à mon vocabulaire : celui de la technologie. Elle envahit tout. Par exemple, j’ai vu une femme dans la rue se parler toute seule avec une main contre l’oreille. Autrefois le héros, c’était Guillaume Tell ; maintenant c’est le « Na-Tell » qui, je l’espère, sera aussi adroit que son prédécesseur pour ne pas endommager la tête de ses fils helvétiques. J’ai également pu observer, du haut de mes nuages, des gens qui tombaient virtuellement amoureux sur Internet malgré un fossé de milliers de kilomètres. Espérons que ces techniques ne vous empêcheront pas de vous rencontrer en chair et en os et de vous aimer réellement. Faudra-t-il aussi que j’équipe mon âne d’un GPS pour m’y retrouver sans les rues de Fribourg ?

Ah cete bonne ville de Fribourg qui ne cesse d’évoluer, même au plan politique : il y a cent ans, vous étiez tenus à la baguette par sept grands conservateurs alors qu’aujourd’hui une démocratie pluraliste s’est installée. Un monument de la ville a traversé ce siècle : la Collège Saint-Michel. Lui aussi a bien changé. Les soutanes ont été remplacées par les minijupes. Mais je suis très heureux de voir les femmes s’émanciper. Rendez-vous compte, les filles ! Contrairement à vos grands-mamans, vous pourrez voter dès votre jeunesse et pipeletter avec vos copines non pas à la cuisine… mais au travail !

Cessez de voir le monde en noir. J’espère vraiment qu’un jour ou même un soir, votre vie sera éclairée d’une vive lumière tout comme mon cortège l’est de ces mille feux de joies. Möge ein Freudenfeuer euer Leben erleuchten ! – Und nun hat der alte St.Nikolaus noch eine Bitte an euch : Wenn ihr einen Menschen in der Not seht, dann helft ihm doch und reicht ihm die Hand ! – Und bereits jetzt gebe ich euch das nächste Rendez-vous : nächstes Jahr sehen wir uns wieder genau an diesem Ort, auf der Kathedrale ! Oui je reviendrai grâce à votre présence sur cette place, je suis reparti pour un siècle d’aventures.

Pour fêter mon anniversaire, je vous invite à me suivre au Musée d’Art et d’Histoire, où je vais inaugurer mon exposition. Que la fête continue et que le vin CHAUD coule à flot !

Je vous aime, enfants chéris de mon cœur. Und jetzt wünsche ich euch von Herzen ein schönes und helles Leben, Glaubt an eure Traüme, denn manchmal werden sie Wirklichkeit !

Je vous souhaite une vie illuminée de rêves, car c’est par vos rêves que tout devient possible.

Au revoir belle cathédrale ! Au revoir Fribourg !

 

 

Saint-Nicolas 2005 : David Aeby / 3.fr.B1