Auteur: 
LAURENCE PILLER

Commentaires de Louis Dietrich: 

Où l’histoire de saint Nicolas et la légende de Till Eulenspiegel font un bout de chemin commun. Le sympathique personnage de fiction, saltimbanque malicieux et farceur dépourvu de méchanceté de la littérature populaire du Nord de l’Allemagne, a sans doute inspiré l’auteure de ce dessin.

Comme chaque année, le saint patron de notre bonne ville de Fribourg, son compagnon le Père Fouettard et ses autres acolytes s’apprêtent à parcourir le périple qui les mènera à la cathédrale. Tout au long du cortège, ils lanceront dans la foule plus de dix mille petits biscômes. Vers ces derniers, les mains d’une multitude d’enfants, petits et grands, se tendront, s’agiteront, rivaliseront d’habileté pour tenter de saisir au vol l’une ou l’autre de ces gourmandises hivernales.

De ce joyeux tohu-bohu, un malicieux lutin a réussi à s’extraire et  à « choper » deux pains d’épice dans les réserves du saint avant tous les autres compétiteurs. Attachés à leur rôle, à leur devoir, Père Fouettard et son patron réprimandent gentiment le jeune farceur.

Nimbés de l’atmosphère d’optimisme qui flotte partout en cette soirée d’avant Noël, nous sommes tentés de croire que l’espiègle de service saura partager son fugace butin avec une sœur, un frère ou un camarade moins habile. Qui sait … ?



Discours: 

Mes bien chers enfants, Meine lieben Kinder,

Une fois encore, vous êtes tous là, ou presque, pour m’accueillir dans les rues de ma bonne ville de Fribourg. Au risque de me répéter année après année, je ne vous cache pas que j’ai toujours aux yeux une larme de plaisir en voyant dans les vôtres le reflet des torches et des guirlandes multicolores illuminant mon parcours. Je dis « mon parcours » mais tout le mérite en revient à mon âne qui, heureusement est un peu moins âgé que moi. Sans sa vaillance, je serais actuellement encore quelques part entre l’Albanie et une contrée jadis appelée Yougoslavie, où les braises de la guerre menacent à tout moment de rallumer non pas des feux de joie, mais des incendies qui se veulent « épurateurs ».

Mais je préfère laisser aux médias le soin de vous faire parvenir ces nouvelles. En effet, la St-Nicolas est votre fête à vous, mes enfants, alors pourquoi la gâcher en vous parlant de ces prétendus « grands » qui ne gagneraient pas une partie de dames face à mon âne ? Que la colère noire du Père Fouettard s’abatte sur eux !

Erneut seid ihr alle da, um mich in den Strassenvon Freiburg zu empfangen. In euren glänzenden Augen kann ich den Zauber des Festes sehen, und das freut mich immer sehr. Mein tapferer Esel und ich habeneine lange Reise von der T !urkei bis hierher gehabt, vor allem durch ein land, das früher Jogoslawien hiess. Dort glühen die Flammen des Krieges immer noch, und angebliche « Erwachsene » zerstören die Zukunft von jungenLeuten wie euch, « aus religiösen Gründen », sagen sie.

Dieses Jhar seid ihr wie gewöhnlich sehr brav gewesen, und mehrere Erwachsene haben die Rute mehr als einige von  euch verdient. Macht weiter, meine Kinder, und eines Tages werdet ihr zum Beispiel zeigen, dass ihr einen klaren « Blick » habt, im Gegensatz zu den Leuten, die eure Saane als Röstigraben sehen.

En cette année 1996, le fossé séparant le quartier du Bourg de celui du Schönberg s’est creusé encore plus profondément ; du moins si l’on en croit certaines feuilles matinales au parfum d’oranges parfois amères. Comble du mauvais goût, on voudrait nous le faire avaler avec des röstis ! A ma connaissance, aucun glissement de terrain n’a encore eu lieu, si ce n’est à la gare routière ; Lorette tient bon, et ma cathédrale n’a nul besoin de vitamines pour rester fièrement debout ! Mes enfants, ne vous laissez pas surprendre !

Fribourg ne devrait-il pas être un trait d’union entre deux cultures et deux langues, plutôt qu’un fossé ? Pourquoi la tolérance ne serait-elle pas votre vertu cardinale ? certes, le ciel est Ciba, et les Romands brassent actuellement plus d’ennuis que de houblon… Je me demande tout de même si ces fêlés du « geschlossen » accepteront encore d’ouvrir leurs portes à mes fanfarons de St-Michel…

Le libéralisme, quand il est excessif, exploite et déracine l’homme et conduit tout droit vers la société à deux vitesses du siècle dernier : Novartis, sans doute, mais sûrement pas novatrice !

Savez-vous que cette année, mon âne était sûr qu’il devait changer d’itinéraire. Il croyait passer par le Schönberg, puis par le Palatinat : pas de pot : il n’y a pas de pont ! J’espère pourtant qu’après s’être posé dans un fauteuil en toute « Liberté » et avoir joué aux chaises musicales ce week-end, vos édiles vous permettront d’y danser bientôt, comme en Avignon.

Bitte seid, meine Kinder, ein « Bizli » schneller als eurer Eltern, die mir seit Jahren die Poyabrücke versprechen.

Du côté sportif, l’année 1996 a été meilleure. Certes, les hockeyeurs de Gottéron se sont réveillés tard, « tard, tard » même, à ce qu’on m’a dit, mais ce soir à St-Léonard, les Zurichois ne crieront pas pour autant victoire, car les Fribourgeois leurs réservent sûrement un effet bœuf !

Mes louanges vont aussi aux cyclistes qui, cet été, feront de Fribourg une enclave française. Mais rassurez-vous ! Pour venir vous voir l’année prochaine, je n’échangerai pas ma monture contre une « bécâne » !

Eure nationalen Fussballer sind in England « kühisch » verrückt geworden, aber glücklicherweise sind einige blau-weisse Tschutter dieses Jahr von der Unterstadt ins St-Leonard gestiegen, um euren erst-Ligisten « Pingouins » die Stirn zu bieten.

Auf dieser Eisbank wartet jetzt meinen Kollegen Leonard auf mich. Deshalb, meine Kinder, höre ich jetzt auf und hoffe, dass ich nächstes Jahr Vergnüteres berichten kann. Ich segne euch, meine Lieben, geht in Frieden !

Voilà, je vous laisse, mes enfants, avec au fond de moi l’espoir que l’année prochaine vous soit plus joyeuse. En signe de solidarité avec les brasseurs fribourgeois, j’ai décidé, pour mon feu d’artifice final, d’échanger le traditionnel rouge du cardinal avec le jaune de la bière.

Allez en paix, enfants chéris de mon cœur !

 

Saint-Nicolas 1996 : Bruno Galliker / 3ème fr.C3